Deux témoignages à propos de limitation de vitesse sur les routes secondaires
Parmi les mesures gouvernementales qui suscitent des réactions passionnées, la limitation de vitesse à 80 km/h est en bonne place. Les études statistiques montrent bien que la vitesse est corrélée avec le nombre d’accidents graves. Mais cela ne veut bien sûr pas dire qu’elle en est la cause unique : on est devant des phénomènes plurifactoriels, il s’agit de liens statistiques.
La mesure impacte spécialement les personnes habitant dans des zones rurales, où les services sont peu denses, où il n’y a pas de routes avec séparateur central, où la voiture est une nécessité impérieuse et où la plupart des conducteurs connaissent très bien des trajets qu’ils font très souvent. Réduire la vitesse maximale de manière uniforme n’est-ce pas un peu brutal ?
Nous contribuons ici au débat par deux réactions d’usagers aux profils contrastés. L’une provient de citadins revenant « au pays » en été et l’autre d’une personne vivant à l’année dans une zone montagneuse enclavée.
Des parisiens de retour “au pays”
Il se trouve que notre nouvelle voiture a un limiteur de vitesse ; comme cela, pas de problème en principe pour respecter la limitation (curieuse impression d’ailleurs au début quand on veut accélérer et que cela ne répond pas…). En pratique, c’est plus compliqué : la signalisation change souvent : 80, 70, 50, voire 30 dans de nombreuses agglomérations, avec ces redoutables dos d’âne barrant la chaussée.
Nous sommes en zone pré-montagneuse et avec l’intense circulation d’été, on ne peut absolument pas rouler vite. Déjà, 60 km/h peut être dangereux, en particulier quand la route tourne beaucoup, car on ne peut pas croiser facilement un camion. De plus, en cette période estivale, il y a beaucoup de vélos et il faut faire encore plus attention.
On a aussi eu l’expérience de voyages à Avignon, où il y a désormais des portions de route à 4 voies, et où la limitation est plus élevée. Finalement, il faut donc avouer qu’on ne voit pas tellement de différence par rapport à avant.
Des habitants vivant à l’année
Leur maison est dans une vallée isolée, loin de tout ; les médecins et le pharmacien sont à une dizaine de km ; en cas d’examens de santé il faut faire au moins 20 km pour les plus simples voire une cinquantaine.
Voici ce qui est arrivé récemment. On a dû aller à Cavaillon, à 73 Km . Le temps de trajet était il y a quelques années de 1h. Il faut aujourd’hui en général 1h 15 (55 km/h de moyenne). Mais il y a de grandes variations : la dernière fois, le temps de trajet a été de 2h 35, soit une moyenne de l’ordre de 22 km/h.… Rendez-vous raté, ce qui n’est pas anodin.
Pourquoi ? Les automobilistes ont peur du PV. Ils roulent donc entre 65 et 70 km/h . Vu les courts intervalles où il est matériellement possible de dépasser, on ne peut le faire en respectant les 80 km/h, la seule solution est de suivre ou sinon de se trouver en infraction : les voitures s’empilent les unes derrière les autres et, au moindre obstacle, c’est le bouchon.
Ces inconvénients dans les déplacements sont monnaie courante. Ce qu’ils représentent en perte de temps et en fatigue est difficilement concevable pour des urbains. D’après nous, ce n’est pas la vitesse qui génère des accidents. C’est l’alcool, le cannabis, le réseau dans un état déplorable et surtout le fait que certains conducteurs ne savent pas conduire. Il arrive par exemple assez régulièrement qu’on en rencontre qui coupent dangereusement les virages…
Discussion
Si rouler en milieu rural est un plaisir pour des vacanciers sensibles à la beauté du paysage et ayant du temps, c’est souvent une épreuve pour les habitants. Ils ont une connaissance fine du parcours, de la dangerosité de certains passages. Mais leurs agendas sont contraints et incertains, car les déplacements consomment beaucoup de leur temps, d’autant que la plupart des routes de campagnes n’ont pas été reprofilées depuis les années 1950.
Si les limitations de vitesse sont une nécessité facile à comprendre, le principe de précaution, qui conduit à une limitation faible et uniforme, pénalise surtout les conducteurs sérieux et prudents effectuant des déplacements obligés et malcommodes…
Il sera intéressant de voir l’évaluation qui sera tirée de cette “expérience” décidée au plus haut niveau de l’Etat.
Référence
Article de synthèse de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vitesse_maximale_autorisée_sur_route_en_France.
Observatoire national interministériel de la sécurité routière. (2018).
Accidentalité sur les routes bidirectionnelles hors agglomération. Enjeux relatifs au réseau principal (p. 24). Consulté à l’adresse
http://www.securite-routiere.gouv.fr/content/download/38000/362252/version/1/file/ONISR_Avril+2018_Accidentalit%C3%A9+routes+bidi+hors+agglo-R%C3%A9seau+principal.pdf.
Rallu, J.-L. (1990). Conduite automobile et accidents de la route.
Population,
45(1), 27‑62.
https://doi.org/10.2307/1533259.