Tous les articles par glbaron

Réflexions sur la solidarité

Une notion ancienne

Le mot solidarité est intéressant. Fondé sur le latin sŏlĭdus, qui rend des idées de dense, solide, massif, entier, complet, il exprime l’idée de responsabilité partagée. La solidarité est voisine de l’entraide, qui est une composante essentielle de la survie des espèces animales, comme le souligne bien Pierre Kropotkine dans un livre passionnant de 1906 L’Entraide, un facteur de l’évolution1.

Pour les humains, il s’agit souvent de solidarité contre un danger perçu comme menaçant une communauté (qu’il s’agisse de la famille, d’une corporation ou d’un collectif électif fondé sur des valeurs communes) et limitée à celle-ci. La solidarité est une vertu et c’est aussi une nécessité dans les environnements où il n’est pas possible de subsister seul. On la trouve notamment développée chez les marins, en montagne, dans tout environnement hostile.

La vallée du Derbous (ou de la Derboux, comme on disait autrefois) n’est pas un endroit extrême ; mais il est isolé. Les premières manifestations de solidarité (outre la défense contre les invasions) a probablement été l’irrigation des terres, obligeant les paysans à s’entendre pour partager l’eau issue des rivières, qui circule ensuite dans des canaux construits par les humains.

Cela n’allait pas de soi, des réglementations furent édictées, mais certaines personnes ne respectaient pas les règles de répartition. Andrée Bouvard, dans son étude de 1946 sur le bassin du Buis note ainsi :

« L’importance de l’irrigation était si grande que, de bonne heure, on la vit être l’objet d’une véritable organisation. En 1596, sur les 24 membres de son « conseil général », la communauté du Buis compte 4 « prayers ou pradiers » : 2 pour l’arrosage au quartier de la Vierge, 2 autres pour l’arrosage au quartier du Maulgrach » (p. 148).

En effet, il fallait bien faire respecter les règlements pris en commun. Parmi les différents cours d’eau de la région, la Derboux était spéciale, car l’eau y était en abondance :

« Assurément, bien des champs ne pouvaient encore recevoir de l’eau que par les « influences du ciel », mais beaucoup d’autres devaient à l’irrigation toute la richesse de leur révolte. Cependant, partout, les paysans cherchaient à jeter le discrédit sur leur conquête. L’eau des rivières, paraît-il, ne se trouvait que rarement avoir les qualités désirables. La Derboux seule était « très avantageuse » parce que provenant d’une fontaine (la Fontaine des Gastaud) » (p. 149).

Et maintenant ?

En 2024, l’eau est toujours aussi essentielle ; mais les problèmes et les besoins de la société moderne ne sont plus les mêmes. Les canaux gardent toujours un rôle majeur car ils absorbent la majeure partie des eaux de pluie et limitent les inondations, contrairement aux tuyaux en plastique enterrés.

L’agriculture s’est concentrée autour de grandes exploitations, elle s’est « industrialisée », avec le recours massif à des machines sophistiquées (comme celles qui permettent de trier automatiquement les fruits par calibre). On dépend un peu moins des cours d’eau quand on peut pomper dans la nappe phréatique. L’irrigation nécessite moins de coordination et d’entraide qu’auparavant. En revanche, les problématiques de traitement des eaux usées se sont développées. 

La population a évolué : le pays est devenu attracteur pour les touristes, avec un développement de solutions de locations de courte durée, surtout dans la période estivale, la multiplication de résidences secondaires et l’arrivée de « néo-ruraux ». Ces derniers ne sont pas considérés comme des pièces rapportées, mais bien acceptés quand ils veulent s’intégrer. 

Solidarité et entraide existent encore entre personnes dans la vallée, surtout lorsque des dangers apparaissent, qu’il est nécessaire de conjurer. Il convient de rester optimiste.

Références

Bouvard, A. (1946). Le Bassin du Buis-les-Baronnies (Etude de géographie humaine). Revue de géographie alpine34(2), 103‑169. https://doi.org/10.3406/rga.1946.5212

1L’Entraide, un facteur de l’évolution – kroptkine1906.pdf

La santé, dans la vallée…

/

Montagne et forêts alentour, bonne qualité de l’air (du moins relativement à la ville), températures clémentes dans la vallée (sauf en hiver, où cela pique parfois), tranquillité. Vie proche de la nature. Mais l’être humain doit partout gérer des problématiques de santé. Ne serait-ce que parce que le temps use, sans parler des épidémies et des pandémies diverses qui se répandent périodiquement. Cela amène, dans ce pays isolé, à faire appel à des ressources et des infrastructures qui sont relativement distantes. Il est en pratique indispensable d’utiliser un véhicule automobile.

Les services médicaux sont au chef lieu de canton, Buis Les Baronnies, à quelques kilomètres, depuis longtemps. Autrefois, il y avait un médecin (le docteur Bernard), qui se déplaçait dans le canton et une (puis deux) pharmacies. L’hôpital local, maintenant devenu essentiellement un EHPAD, avait un service de maternité et un service médical. On a aussi eu au Buis dans les années 1980 un laboratoire d’analyses médicales, des dentistes, des kinésithérapeutes…

Pour les accidents ou les affections de santé graves nécessitant le secours de spécialistes, il fallait une clinique ou un hôpital avec un plateau technique plus sophistiqué. On devait aller, selon la gravité, à Vaison-la-Romaine (environ 25 km), à Carpentras (une quarantaine de km), voire à Avignon (70 km) et même Marseille quand c’était vraiment grave.

Par exemple, quand Paul a eu un accident vasculaire cérébral, dans les années 1960, il a dû faire un assez long séjour à l’hôpital de la Timone à Marseille. Sa femme y est descendue, se logeant comme elle pouvait le temps des soins. Quand Maurice a eu une hernie inguinale, il s’est fait opérer à Carpentras, où il n’est resté qu’un jour ou deux avant de revenir. L’opération de la cataracte de Marie a eu lieu à Vaison. Mais quand Yves a eu un problème oculaire, il a dû se faire accompagner à Avignon pour un traitement spécialisé. Bref, il y avait (et il y a toujours) du chemin à faire pour consulter un spécialiste.

Au cours du temps, la population s’est renouvelée. De nouveaux médecins sont venus. Une maison médicale a été créée au Buis ; elle rassemble, en 2024, cinq généralistes, 6 infirmières, des kinésithérapeutes, 2 ostéopathes, une psychologue, une diététicienne, une sage-femme,… Il y a aussi des cabinets de médecine douce en ville.

Heureusement, les services d’urgence fonctionnent et il y a des véhicules de transport sanitaire. Pour les cas graves, le centre de secours de Buis les Baronnies déclenchait autrefois la sirène en cas de besoin d’intervention des pompiers volontaires. Maintenant, les téléphones cellulaires et internet ont renouvelé la manière d’intervenir. Dans les cas extrêmes, un hélicoptère arrive . Il secourt les alpinistes en difficulté au rocher du Saint Julien et peut se poser au centre de secours du Buis. Mais c’est exceptionnel.

L’hôpital local est en cours de rénovation, mais il est douteux qu’y rouvre de sitôt un service de médecine. La pharmacie des Tilleuls est bien achalandée, le personnel y est obligeant et on y trouve de bons conseils.

Bref, dans la vallée du Derbous, comme ailleurs, la maladie est sans cesse aux aguets. Mais les services de santé locaux gèrent, en dessous d’un certain seuil de gravité.

2024, année olympique dans la vallée du Derbous

Les années se suivent et se ressemblent plus ou moins. Dans le vaste monde, les guerres se poursuivent, hélas, avec leurs funestes conséquences, notamment en termes de victimes innocentes. Les jeux olympiques de Paris ont particulièrement focalisé l’attention en juillet. Ils ont probablement occupé les écrans de télévision aussi dans la vallée du Derbous.

Qu’y a-t-il eu de significatif dans la vallée depuis l’année passée ? Voici quelques grandes lignes qui n’ont pour ambition que de faire le point sur un terroir rural de basse montagne très enclavé et tranquille, loin des grandes villes.

Le pays a toujours été un peu rebelle. Les gens n’ont pas la langue dans leur poche et ont des convictions bien arrêtées. L’année a vu des campagnes électorales dont on ne peut pas dire qu’elles ont été marquées par la modération. Deux circonscriptions de la Drôme sont allées au nouveau front populaire et deux au rassemblement national lors des législatives.

La nature n’est évidemment pas indifférente aux orientations politiques du moment, mais elle change sur des temps longs, marquée et souvent meurtrie par des décisions humaines.

Cette année, la vallée du Derbous a été bien arrosée. Les niveaux d’eau dans la rivière et dans les canaux d’alimentation des moulins sont convenables en juillet, ce qui est dû à la météorologie et à des décisions raisonnables de gestion de la ressource en eau.

Mais il y a eu quelques changements : les orages, phénomènes fréquents mais particulièrement marqués ce printemps, ont emporté les barrages édifiés par les castors, qui ont déménagé, allant sans doute s’établir en aval.

Autour des maisons on voit occasionnellement des chevreuils, des biches, des hardes de sangliers. Et les loups sont toujours là, on en a repéré une meute dans la montagne, il y a eu des animaux dévorés tout près des maisons.

En été, les touristes sont revenus, comme chaque année. Le covid aussi, mais beaucoup considèrent que ce n’est désormais plus qu’une sorte de grippe. Pourtant, si la vaccination a pour effet principal de limiter la gravité des symptômes chez les personnes atteintes, ces dernières peuvent malgré tout tomber malades et être des porteuses redoutables pour d’autres, qui ont des désordres du système immunitaire. Le principe de précaution (si on peut dire) invite donc à protéger les autres. Mais on ne voit qu’exceptionnellement des gens avec des masques. Qu’y faire ?

Dans la vallée, l’eau ne manque pour l’instant pas, l’agriculture est désormais regroupée en grandes exploitations, la vie sauvage suit son cours. la vallée reste apparemment calme, jusqu’à preuve du contraire.

Plaisians : échos d’une fête mémorable en 2024

Le pistou, l’agneau et le condor

Plaisians est une commune des Baronnies de très antique établissement. Un de ses fils (Guillaume de Plaisians), légiste de Philippe Le Bel, a vu son nom distingué par l’histoire lors des conflits de ce roi avec le pape et les templiers au début du XIVe siècle qui ont notamment conduit à l’installation de la papauté à Avignon pendant 70 ans.

Actuellement, c’est une commune rurale d’environ 200 habitants, classée à « habitat dispersé ». Le lieu est célèbre notamment par sa fameuse Clue, impressionnant passage entre deux falaises donnant accès à au plus un véhicule à la fois (http://www.plaisians.com/notre-album-photo/). Le cours d’eau qui y passe rejoint un peu plus loin les cours d’eau qui descendent dans la vallée d’Eygaliers et constituent le Derbous.

Chaque année, le dernier dimanche de juillet, une grande fête des traditions provençales y a lieu, avec (entre autres) démonstration de chiens de troupeau, concours d’aïoli, animations pour enfants et, clou de la journée, soupe au pistou et concert le soir.

Cette soirée a été impressionnante : de l’ordre de 600 personnes, de tout âge, pour qui avaient été préparées et servies (par des volontaires) des portions gargantuesque de soupe au pistou, de succulentes côtes d’agneau des Baronnies, de la tome de chèvre et une tarte à l’abricot. Le tout avec vin, bière et eau minérales pour les abstèmes.t

Dans ce cadre grandiose (partout la nature et la montagne), un orchestre, le Condor, a animé magistralement la soirée.

l s’agit d’un ensemble très original emmené par Jean-François Gerold, rassemblant une dizaine de musiciens ce soir là, qui va bientôt fêter ses 25 ans, pratiquant une sorte de fusion entre la musique provençale et la musique celtique, avec aussi l’intervention de guitares, de flutes à bec et traversière et d’une batterie (https://www.facebook.com/JFGmusique/?locale=fr_FR).

Concernant la musique provençale, une partie des musiciens jouent souvent comme tambourinaires, utilisant des « galoubets-tambourins » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Galoubet). Cet instrument traditionnel, souvent confondu avec le fifre, est double : il comporte une flute à bec à la sonorité aiguë qu’on joue de trois doigts de la main gauche tout en actionnant de l’autre main un tambourin). Côté celtique, ils utilisent des cornemuses, et on note la présence d’une bombarde, à moins qu’il ne s’agisse d’un hautbois catalan.

L’ensemble est très original, subtil dans la fusion des différentes influences, dansant (certains morceaux comportaient des danseurs, pour d’autres c’est le public qui dansait).

Les assistants à l’évènement étaient, outre les organisateurs bénévoles, des personnes vivant à proximité (en particulier à Buis les Baronnies) et, bien entendu, des touristes.

Ainsi, ce lieu ordinairement peu peuplé, s’est animé et a vibré dans la nuit étoilée. Performance mémorable, dont la prochaine manifestation sera en 2025.

Pluie et beau temps dans la vallée au temps du COVID…

L’année 2021 restera sans doute associée dans les mémoires, comme l’année précédente, aux vagues successives de la pandémie de COVID 19, aux mesures sanitaires et restrictions de liberté qui les ont accompagnées (couvre-feu, interdiction de voyager au-delà de 10km, port du masque…), mais aussi développement rapide de vaccins fondés sur de nouvelles techniques de génie génétique et espoirs, malheureusement éphémères, de sortie rapide de la crise. La situation, cependant, a été assez différente en ville et à la campagne.


Dans la vallée du Derbous, lieu d’habitat peu dense aux maisons intégrées dans la nature, le cours de la vie en 2021 a été peu différent de ce qu’il est habituellement. Lors de leurs rencontres, par exemple au marché, les habitants ont parlé du COVID mais aussi de la pluie et du beau temps…


L’hiver a été maussade, mais sans froid excessif. Il a beaucoup plu en février, le mois de mars a été clément, mais le gel est venu en avril, compromettant certaines récoltes. Depuis, les températures habituelles sont revenues, la rivière a de l’eau. Tout est vert.

Des loups rôdent toujours, mais il n’y a pas eu cette année d’attaque de troupeau. Les castors, insensibles aux occupations humaines, ont poursuivi leur œuvre de constructeurs aux dépens des habitants.

Côté humain, les choses suivent leur cours. Les touristes sont même revenus, il y a toujours autant de gites ou chambres d’hôtes. Ils sont parfois peu attentifs à la vie rurale et à l’environnement, mais on ne peut trop leur en demander. La nature, de toutes les manières, continue à être relativement préservée. La circulation automobile est normale, toujours limitée à 80 km/h.

Un point d’attention peut cependant être relevé. Des menaces planent sur un des accomplissements humains les plus anciens et les plus utiles, qui a joué un rôle fondamental dans les sociétés humaines : la canalisation de l’eau, que ce soit pour l’irrigation des champs ou pour l’alimentation des nombreux moulins.
/

Modeste canal

Outre les canaux qui faisaient tourner ces derniers , le pays est littéralement quadrillé de canaux autrefois entretenus par les paysans qui, moyennant des redevances modiques, avaient des droits d’irrigation par simple gravité faisant l’objet d’un consensus entre eux. Avec la conversion de propriétés agricoles en terrains à bâtir et l’apparition de pompes mécaniques, la situation a changé.

Les systèmes traditionnels sont en déshérence et l’on se demande quelles en seront les conséquences sur la régulation que peuvent exercer les humains sur leur environnement.

Bref, la vallée du Derbous, sans être préservée des malédictions coutumières frappant le monde, continue une existence détendue quoique légèrement inquiète relativement aux évolutions à venir.

Un demi-siècle dans la vallée du Derbous. Entretien avec une habitante de la vallée

La synthèse qui suit est liée à un entretien mené avec une interlocutrice implantée dans le Derbous depuis sa naissance. Elle y vit à l’année, dans une vieille maison héritée de ses ancêtres. Elle nous livre ici des réflexions sur ce qui a changé dans dans la vallée depuis un demi-siècle environ.

Réchauffement climatique et changement social

Indéniablement, bien des choses se sont passées. D’abord, les évènements liés aux saisons ont changé. Dans le passé, il y avait ainsi des évènements récurrents : des orages en mai, de la pluie à la Sainte Madeleine, en juillet, des orages pour la Saint Laurent, en août. Les hivers commençaient plus tôt. Il y avait ainsi, à Plaisians, des gelées blanches en octobre.

Par contraste, cette année 2020, il a gelé en décembre, en janvier, en avril, mais peu. En revanche, les printemps sont devenus beaucoup plus chauds, dès mars et il y a une tendance à la disparition des inter-saisons. Cela a impacté les cultures.

D’abord, quand les nuits sont chaudes, il y a moins de rosée. Ensuite, le système d’irrigation a beaucoup changé. Auparavant, il y avait un système d’irrigation sophistiqué, par gravité, avec un réseau de canaux où chaque paysan pouvait prélever, à certains moments, de l’eau : une gestion commune de la ressource.

Maintenant, on privilégie le goutte à goutte, en pompant dans les rivières, sur une base individuelle. Le nombre de cultivateurs a lourdement chuté depuis la seconde guerre mondiale et les propriétés se sont étendues et comme industrialisées. Pour autant le nombre d’habitants n’a pas diminué dans la vallée ; les habitants travaillent en ville, parfois très loin (après tout, avec le TGV, on peut être rapidement à Marseille et même à Paris). Certains font aussi du télétravail. Internet a beaucoup changé la situation. Si on n’a pas encore la fibre dans les habitations (pourtant elle a été installée le long des routes il y a quelques années), la connectivité 4G a progressé et les débits sont acceptables.

Par ailleurs, la circulation automobile a explosé : sur la route du col de Fontaube, on avait au plus deux voitures par jour et quelques rares camions de marchandise. Maintenant, on a des passages fréquents liés au développement du tourisme et à celui de la consommation.

Pour les habitants, posséder un véhicule automobile n’est pas une option : il le faut ne serait-ce que pour aller faire des courses alimentaires et aussi pour les soins médicaux (les médecins ne se déplacent plus) ou pour tout autre besoin lié à la santé (analyses, examens, soins dentaires, hôpitaux…). Le prochain bourg doté de magasins et de services à la personne (Buis les Baronnies) n’est pas commodément accessible à pied. Il n’y a d’ailleurs plus de laboratoire d’analyse médicale depuis quelques années.

On remarque un accroissement du nombre de touristes, comme le montre l’extension des gîtes ruraux et des chambres d’hôte, ainsi qu’un nombre croissant de vélos électriques, qui permettent maintenant à davantage de personnes d’accéder à des endroits autrefois isolés, ce qui n’est pas sans effet sur la nature.

Des changements notables dans la flore et la faune

Beaucoup de changements sont intervenus. Par exemple, si les oliviers restent bien implantés, on ne trouve pratiquement plus de vignes, autrefois abondantes. Elles ont été remplacées par des arbres fruitiers : cerisiers, abricotiers, pêchers…

S’agissant de faune, il n’y a presque plus de truites dans les cours d’eau. Autrefois, il y avait des truites communes, endémiques à la région. Des truites arc en ciel ont été introduites dans le passé, qui les ont contrariées et qui se reproduisent mal. La population a singulièrement diminué. On ne trouve plus d’écrevisses dans les rivières. Les lièvres et les perdrix ont pratiquement disparu, ce qui peut être lié à la prolifération des sangliers qui dévastent les cultures et détruisent les nids, voire les terriers.

En revanche, les castors ont pris beaucoup d’extension depuis les années 1980 . Ils font des trous dans les berges des cours d’eau et créent des marais (cf. article récent). On trouve aussi des rats d’eau, de la salamandre commune, voire des créatures comme le seps strié (Chalcides striatus), petit saurien ressemblant à un serpent avec des embryons de pattes avant.

Les loups, aussi, sont progressivement réapparus dans la région et on note également la présence d’oiseaux qu’on ne voyait pas avant, tels les « guêpiers », peut-être parce qu’ils sont réputés manger les guêpes,

Un ensemble sophistiqué de règlements et un avenir incertain

D’après notre interlocutrice, un changement important est celui de l’inflation de règlements. Si, dans le passé, on était devant une économie de subsistance avec des biens communs collectivement gérés par des personnes ancrées dans le terroir, qui se sentaient responsables du maintien du milieu, désormais, la plupart des initiatives sont encadrées par des règlements en tout genre, issus de différentes administrations (en particulier l’Europe), qui visent à encadrer strictement toutes les activités liées à la gestion du cadre de vie, sans pour autant réussir à assurer sa pérennité.

Loin du Derbous, le confinement dans la grande ville…

Nul ne peut nier que la situation vécue en ce printemps 2020 a partout un caractère exceptionnel ! Pour les citadins confinés dans des appartements relativement exigus, loin de la verte nature, il peut y avoir un peu de regret de ne pas être confiné dans le cadre sublime de la Drôme provençale. Après tout, l’espace est un bien précieux et la montagne est si belle…

Ceci dit, inutile de fantasmer, le confinement s’impose à tous et toutes et le relâchement des règles de « distanciation sociale » promet de ne pas être immédiat. Et puis, en réfléchissant, les douceurs d’un printemps provençal ont aussi quelques contreparties moins agréables.

Sans vouloir établir de comparaison terme à terme, on va maintenant donner un témoignage sur une grande ville (un quartier de Paris intra-muros). 

Des choses ont clairement changé. D’abord, le tumulte quotidien s’est atténué et l’on peut entendre maintenant chanter quelques oiseaux, l’air est moins pollué que d’habitude. Quand on sort pour les courses ou pour l’indispensable oxygénation quotidienne des neurones, on risque beaucoup moins de se faire écraser… 

Chose non vue depuis longtemps, la nature s’affirme, comme le montre la photo ci-dessus d’un bord de trottoir.

Pour les courses, les magasins d’alimentation, supermarchés ou commerces de proximité se sont adaptés, mais les queues pour entrer sont plutôt dissuasives. Les clients attendent sagement afin de respecter les distances réglementaires. Il faut avoir des stratégies de choix de jours et d’heures selon les magasins. 

Tous les restaurants, ici comme ailleurs, sont fermés au public, mais un nombre non négligeable sert cependant maintenantà domicile. On note ainsi, ici et là des concentrations de jeunes coursiers à moto ou à vélo qui assurent des livraisons à domicile.

Les rues sont moins animées que d’habitude mais des autobus continuent à les sillonner ; quand ils passent, ils sont rarement pleins. De temps en temps, une ambulance ou une voiture de police passe. Il y a quelques contrôles par des escouades de policiers, dans les lieux fréquentés. 

Des piétons circulent aussi. Ils sont de plusieurs types. Certains, équipés de sacs ou de caddies, vont chercher ou ramènent chez eux les indispensables provisions. D’autres, en tenue de jogging, ont souvent le smartphone réglementaire au bras et s’oxygènent. Certains accompagnent de jeunes enfants en trottinette ou en petit vélo, ou alors promènent des chiens.

On se croise entre piétons assez facilement et, bel exemple de négociation implicite, quand deux personnes arrivent face à face sur le trottoir, l’une traverse, ou marche un moment sur la chaussée, il n’y a de toutes les manières pas grand risque à agir ainsi.

Enfin, on préférerait ne pas avoir besoin d’y aller, mais les hôpitaux sont proches, le SAMU peut vous y amener dans un temps raisonnable si le besoin se manifestait. 

En tout cas, à 20 heures, on entend dans les rues et les cours les applaudissements bien mérités adressés aux soignants ainsi que des concerts de klaxons. Les soignantes et soignants, en effet, sont désormais reconnus pour le rôle essentiel qui est le leur. la question cependant est de savoir quand les pouvoirs publics vont leur témoigner une reconnaissance qui ne soit pas principalement symbolique mais inscrite dans les émoluments et les conditions de travail.

En somme, aux temps étranges du confinement, la vie continue partout où elle peut. Elle est, pour tout le monde,simplement plus limitée dans les possibilités pratiques qu’elle offre et plus contraignante pour les individus qui se languissent désormais des réunions de famille ou d’amis, des apéros non virtuels et de la liberté de mouvement.

Il reste heureusement l’espoir ; comme disent les Grecs, c’est de toutes façons ce qui meurt en dernier. L’espoir en particulier que des leçons de solidarité soient tirées de cette funeste période.

Castors, le retour…

Dans la vallée du Derbous, on l’a dit, la vie sauvage se porte bien et la diversité des espèces est au rendez vous. Mais la cohabitation avec les humains est parfois difficile.

En particulier, les castors se sont établis voici longtemps dans le Derbous et ils s’y trouvent bien ; ils n’ont pas de prédateurs sérieux et se reproduisent avec entrain. Mais ils ne se contentent pas de coloniser la rivière…

Voici par exemple un moulin, celui d’Aygue-Astaud, présent depuis des temps immémoriaux au même endroit, avec son système sophistiqué d’adduction, de canaux dirigeant autrefois l’eau vers les roues à aubes transmettant la force à un système mécanique.

Comment les pauvres bêtes pourraient-elle comprendre qu’on n’est pas toujours dans le domaine de la nature mais de la gestion de l’environnement et des ressources destinées aux humains ? Elles font donc leur œuvre avec efficacité et, pour tout dire, pas mal de dégâts.

Que peuvent alors faire les propriétaire ?

Biodiversité…

Biodiversité

Comme d’autres biotopes relativement préservés, la vallée du Derbous héberge de nombreuses espèces, qui s’adaptent plus ou moins à la présence humaine et à celle des prédateurs. Un fait étonnant a été observé ce mois de juin : tout à côté du moulin d’Ayges-Astaud, une biche est venue mettre bas un faon, dans le pré jouxtant le canal qui autrefois amenait l’eau à la roue à aubes du moulin. Elle est restée avec son faon pendant plusieurs semaines avant de repartir dans la nature.

Un tel comportement n’avait pas été observé jusqu’ici ; il convient de tenter de l’expliquer. Une première explication est qu’il s’agit d’un hasard, le moulin, encore habité, étant assez calme et plutôt isolé. Il y a cependant un chien de chasse, qui n’a rien trouvé à redire mais dont la présence a certainement été ressentie par la biche.

Une autre explication, plus convaincante à notre avis, est que la biche a choisi la solution qui lui semblait la plus favorable ; sachant que des loups chassent dans la montagne, évitant les habitations, la tentation est grande de penser que l’animal a choisi la sécurité que lui semblait offrir un environnement humanisé, antagoniste des loups.

Comment être sûr ?

 

 

80 km / heure : deux réflexions croisées

Deux témoignages à propos de limitation de vitesse sur les routes secondaires

Parmi les mesures gouvernementales qui suscitent des réactions passionnées, la limitation de vitesse à 80 km/h est en bonne place. Les études statistiques montrent bien que la vitesse est corrélée avec le nombre d’accidents graves. Mais cela ne veut bien sûr pas dire qu’elle en est la cause unique : on est devant des phénomènes plurifactoriels, il s’agit de liens statistiques.

La mesure impacte spécialement les personnes habitant dans des zones rurales, où les services sont peu denses, où il n’y a pas de routes avec séparateur central, où la voiture est une nécessité impérieuse et où la plupart des conducteurs connaissent très bien des trajets qu’ils font très souvent. Réduire la vitesse maximale de manière uniforme n’est-ce pas un peu brutal ?

Nous contribuons ici au débat par deux réactions d’usagers aux profils contrastés. L’une provient de citadins revenant « au pays » en été et l’autre d’une personne vivant à l’année dans une zone montagneuse enclavée.

Des parisiens de retour “au pays”

Il se trouve que notre nouvelle voiture a un limiteur de vitesse  ; comme cela, pas de problème en principe pour respecter la limitation (curieuse impression d’ailleurs au début quand on veut accélérer et que cela ne répond pas…). En pratique, c’est plus compliqué : la signalisation change souvent : 80, 70, 50, voire 30 dans de nombreuses agglomérations, avec ces redoutables dos d’âne barrant la chaussée.

Nous sommes en zone pré-montagneuse et avec l’intense circulation d’été, on ne peut absolument pas rouler vite. Déjà, 60 km/h peut être dangereux, en particulier quand la route tourne beaucoup, car on ne peut pas croiser facilement un camion. De plus, en cette période estivale, il y a beaucoup de vélos et il faut faire encore plus attention.

On a aussi eu l’expérience de voyages à Avignon, où il y a désormais des portions de route à 4 voies, et où la limitation est plus élevée. Finalement, il faut donc avouer qu’on ne voit pas tellement de différence par rapport à avant.

Des habitants vivant à l’année

Leur maison est dans une vallée isolée, loin de tout ; les médecins et le pharmacien sont à une dizaine de km ; en cas d’examens de santé il faut faire au moins 20 km pour les plus simples voire une cinquantaine.

Voici ce qui est arrivé récemment. On a dû aller à Cavaillon, à 73 Km . Le temps de trajet était il y a quelques années de 1h. Il faut aujourd’hui en général 1h 15 (55 km/h de moyenne). Mais il y a de grandes variations : la dernière fois, le temps de trajet a été de 2h 35, soit une moyenne de l’ordre de 22 km/h.… Rendez-vous raté, ce qui n’est pas anodin.

Pourquoi ? Les automobilistes ont peur du PV. Ils roulent donc entre 65 et 70 km/h . Vu les courts intervalles où il est matériellement possible de dépasser, on ne peut le faire en respectant les 80 km/h, la seule solution est de suivre ou sinon de se trouver en infraction : les voitures s’empilent les unes derrière les autres et, au moindre obstacle, c’est le bouchon.

Ces inconvénients dans les déplacements sont monnaie courante. Ce qu’ils représentent en perte de temps et en fatigue est difficilement concevable pour des urbains. D’après nous, ce n’est pas la vitesse qui génère des accidents. C’est l’alcool, le cannabis, le réseau dans un état déplorable et surtout le fait que certains conducteurs ne savent pas conduire. Il arrive par exemple assez régulièrement qu’on en rencontre qui coupent dangereusement les virages…

Discussion

Si rouler en milieu rural est un plaisir pour des vacanciers sensibles à la beauté du paysage et ayant du temps, c’est souvent une épreuve pour les habitants. Ils ont une connaissance fine du parcours, de la dangerosité de certains passages. Mais leurs agendas sont contraints et incertains, car les déplacements consomment beaucoup de leur temps, d’autant que la plupart des routes de campagnes n’ont pas été reprofilées depuis les années 1950.

Si les limitations de vitesse sont une nécessité facile à comprendre, le principe de précaution, qui conduit à une limitation faible et uniforme, pénalise surtout les conducteurs sérieux et prudents effectuant des déplacements obligés et malcommodes…

Il sera intéressant de voir l’évaluation qui sera tirée de cette “expérience” décidée au plus haut niveau de l’Etat.

Référence

Article de synthèse de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vitesse_maximale_autorisée_sur_route_en_France.

Observatoire national interministériel de la sécurité routière. (2018). Accidentalité sur les routes bidirectionnelles hors agglomération. Enjeux relatifs au réseau  principal (p. 24). Consulté à l’adresse http://www.securite-routiere.gouv.fr/content/download/38000/362252/version/1/file/ONISR_Avril+2018_Accidentalit%C3%A9+routes+bidi+hors+agglo-R%C3%A9seau+principal.pdf.
Rallu, J.-L. (1990). Conduite automobile et accidents de la route. Population, 45(1), 27‑62. https://doi.org/10.2307/1533259.