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2024, année olympique dans la vallée du Derbous

Les années se suivent et se ressemblent plus ou moins. Dans le vaste monde, les guerres se poursuivent, hélas, avec leurs funestes conséquences, notamment en termes de victimes innocentes. Les jeux olympiques de Paris ont particulièrement focalisé l’attention en juillet. Ils ont probablement occupé les écrans de télévision aussi dans la vallée du Derbous.

Qu’y a-t-il eu de significatif dans la vallée depuis l’année passée ? Voici quelques grandes lignes qui n’ont pour ambition que de faire le point sur un terroir rural de basse montagne très enclavé et tranquille, loin des grandes villes.

Le pays a toujours été un peu rebelle. Les gens n’ont pas la langue dans leur poche et ont des convictions bien arrêtées. L’année a vu des campagnes électorales dont on ne peut pas dire qu’elles ont été marquées par la modération. Deux circonscriptions de la Drôme sont allées au nouveau front populaire et deux au rassemblement national lors des législatives.

La nature n’est évidemment pas indifférente aux orientations politiques du moment, mais elle change sur des temps longs, marquée et souvent meurtrie par des décisions humaines.

Cette année, la vallée du Derbous a été bien arrosée. Les niveaux d’eau dans la rivière et dans les canaux d’alimentation des moulins sont convenables en juillet, ce qui est dû à la météorologie et à des décisions raisonnables de gestion de la ressource en eau.

Mais il y a eu quelques changements : les orages, phénomènes fréquents mais particulièrement marqués ce printemps, ont emporté les barrages édifiés par les castors, qui ont déménagé, allant sans doute s’établir en aval.

Autour des maisons on voit occasionnellement des chevreuils, des biches, des hardes de sangliers. Et les loups sont toujours là, on en a repéré une meute dans la montagne, il y a eu des animaux dévorés tout près des maisons.

En été, les touristes sont revenus, comme chaque année. Le covid aussi, mais beaucoup considèrent que ce n’est désormais plus qu’une sorte de grippe. Pourtant, si la vaccination a pour effet principal de limiter la gravité des symptômes chez les personnes atteintes, ces dernières peuvent malgré tout tomber malades et être des porteuses redoutables pour d’autres, qui ont des désordres du système immunitaire. Le principe de précaution (si on peut dire) invite donc à protéger les autres. Mais on ne voit qu’exceptionnellement des gens avec des masques. Qu’y faire ?

Dans la vallée, l’eau ne manque pour l’instant pas, l’agriculture est désormais regroupée en grandes exploitations, la vie sauvage suit son cours. la vallée reste apparemment calme, jusqu’à preuve du contraire.

Plaisians : échos d’une fête mémorable en 2024

Le pistou, l’agneau et le condor

Plaisians est une commune des Baronnies de très antique établissement. Un de ses fils (Guillaume de Plaisians), légiste de Philippe Le Bel, a vu son nom distingué par l’histoire lors des conflits de ce roi avec le pape et les templiers au début du XIVe siècle qui ont notamment conduit à l’installation de la papauté à Avignon pendant 70 ans.

Actuellement, c’est une commune rurale d’environ 200 habitants, classée à « habitat dispersé ». Le lieu est célèbre notamment par sa fameuse Clue, impressionnant passage entre deux falaises donnant accès à au plus un véhicule à la fois (http://www.plaisians.com/notre-album-photo/). Le cours d’eau qui y passe rejoint un peu plus loin les cours d’eau qui descendent dans la vallée d’Eygaliers et constituent le Derbous.

Chaque année, le dernier dimanche de juillet, une grande fête des traditions provençales y a lieu, avec (entre autres) démonstration de chiens de troupeau, concours d’aïoli, animations pour enfants et, clou de la journée, soupe au pistou et concert le soir.

Cette soirée a été impressionnante : de l’ordre de 600 personnes, de tout âge, pour qui avaient été préparées et servies (par des volontaires) des portions gargantuesque de soupe au pistou, de succulentes côtes d’agneau des Baronnies, de la tome de chèvre et une tarte à l’abricot. Le tout avec vin, bière et eau minérales pour les abstèmes.t

Dans ce cadre grandiose (partout la nature et la montagne), un orchestre, le Condor, a animé magistralement la soirée.

l s’agit d’un ensemble très original emmené par Jean-François Gerold, rassemblant une dizaine de musiciens ce soir là, qui va bientôt fêter ses 25 ans, pratiquant une sorte de fusion entre la musique provençale et la musique celtique, avec aussi l’intervention de guitares, de flutes à bec et traversière et d’une batterie (https://www.facebook.com/JFGmusique/?locale=fr_FR).

Concernant la musique provençale, une partie des musiciens jouent souvent comme tambourinaires, utilisant des « galoubets-tambourins » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Galoubet). Cet instrument traditionnel, souvent confondu avec le fifre, est double : il comporte une flute à bec à la sonorité aiguë qu’on joue de trois doigts de la main gauche tout en actionnant de l’autre main un tambourin). Côté celtique, ils utilisent des cornemuses, et on note la présence d’une bombarde, à moins qu’il ne s’agisse d’un hautbois catalan.

L’ensemble est très original, subtil dans la fusion des différentes influences, dansant (certains morceaux comportaient des danseurs, pour d’autres c’est le public qui dansait).

Les assistants à l’évènement étaient, outre les organisateurs bénévoles, des personnes vivant à proximité (en particulier à Buis les Baronnies) et, bien entendu, des touristes.

Ainsi, ce lieu ordinairement peu peuplé, s’est animé et a vibré dans la nuit étoilée. Performance mémorable, dont la prochaine manifestation sera en 2025.

Une nouvelle année dans la vallée du Derbous : 2023

Un canal d’arrivée plein d’eau courante


Ces dernières années ont été riches en évènements préoccupants comme la pandémie de COVID (dont on semble enfin en passe de tourner la page), la guerre en Ukraine (dont on ne voit pas encore comment elle va durer et quelles seront ses répercussions), des réformes imposées (telle la réforme des retraites). Tout ceci sur fond d’inquiétude climatique crédible (réchauffement, canicule…).

La vallée du Derbous n’est pas sur une autre planète. Elle est sujette aux mêmes problèmes que les autres lieux. Mais elle est loin des centres de décision, a une population clairsemée encore proche de la nature et les échos du monde y parviennent un peu assourdis.

Cette année, le printemps a été pluvieux et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions, la nappe phréatique semble bien se porter si on en juge par le débit de la rivière. Mais cette impression peut être trompeuse, car le débit de cette rivière fluctue sans que les causes de modification de débit soient connues.

Les décisions des humains ont des effets à long terme. Un exemple local est celui des truites. Autrefois, il y en avait une relative abondance, d’une espèce endémique bien adaptée au milieu, appelée ici fario.

Il y a quelques décennies, suite à une baisse des prises, il a été décidé d’introduire une espèce jusqu’ici inconnue dans la vallée : la truite arc-en-ciel, joli poisson vorace.

Mais il a fallu admettre que, ces truites ne se reproduisant pas bien dans les conditions environnementales qui sont les nôtres, cette pratique était à proscrire. Actuellement, il y a un déficit de truites dans le Derbous.

Comment inverser la tendance ? On peut espérer que, si la pêche reste modeste, si l’on n’introduit plus de farios et si le nombre de prédateurs (hérons…) décroît (ce qui semble être le cas), la faune se régénère. Il convient d’être optimistes et patients.

Il serait en tout cas bon d’en revenir, si c’est encore possible, à des situations de régulation locales traditionnelles. On sait, en particulier depuis les travaux de la lauréate du prix Nobel d’économie 2008 Elinor Ostrom (tout particulièrement pour la gestion de l’eau), qu’elles sont plus efficaces que les solutions visant l’optimisation à court terme imposées par des experts ne prenant pas toujours en compte l’ensemble du système.

Il est vrai que ces solutions durables nécessitent que fonctionnent des communautés collectivement intéressées à la bonne gestion de la ressource et connaissant bien le milieu pour y avoir grandi et avoir recueilli l’expérience et les savoir-faire de ceux qui les ont précédées.

Dans la vallée du Derbous, comme ailleurs, la communauté paysanne qui autrefois prenait soin de l’irrigation des cultures n’existe presque plus. Certes, il y a encore des producteurs mais ils sont pour la plupart quasi industrialisés, gérant de grands domaines, les seuls économiquement viables désormais en suivant des méthodes « rationnelles » prônées notamment par les institutions européennes.

Il existe cependant des raisons d’espérer : le bio a bonne presse, il constitue un marché et il séduit certains, d’autant que la population, en particulier l’été, est sensible à cet argument. Une de ses dimensions est celle de la gestion raisonnée de l’eau.

Il serait naïf de penser que les tendances à l’œuvre depuis des décennies vont s’inverser brusquement. Mais il est souhaitable d’espérer.

Références

Ostrom, E., & Basurto, X. (2013). Façonner des outils d’analyse pour étudier le changement institutionnel. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs14http://regulation.revues.org/10437

Loin du Derbous, le confinement dans la grande ville…

Nul ne peut nier que la situation vécue en ce printemps 2020 a partout un caractère exceptionnel ! Pour les citadins confinés dans des appartements relativement exigus, loin de la verte nature, il peut y avoir un peu de regret de ne pas être confiné dans le cadre sublime de la Drôme provençale. Après tout, l’espace est un bien précieux et la montagne est si belle…

Ceci dit, inutile de fantasmer, le confinement s’impose à tous et toutes et le relâchement des règles de « distanciation sociale » promet de ne pas être immédiat. Et puis, en réfléchissant, les douceurs d’un printemps provençal ont aussi quelques contreparties moins agréables.

Sans vouloir établir de comparaison terme à terme, on va maintenant donner un témoignage sur une grande ville (un quartier de Paris intra-muros). 

Des choses ont clairement changé. D’abord, le tumulte quotidien s’est atténué et l’on peut entendre maintenant chanter quelques oiseaux, l’air est moins pollué que d’habitude. Quand on sort pour les courses ou pour l’indispensable oxygénation quotidienne des neurones, on risque beaucoup moins de se faire écraser… 

Chose non vue depuis longtemps, la nature s’affirme, comme le montre la photo ci-dessus d’un bord de trottoir.

Pour les courses, les magasins d’alimentation, supermarchés ou commerces de proximité se sont adaptés, mais les queues pour entrer sont plutôt dissuasives. Les clients attendent sagement afin de respecter les distances réglementaires. Il faut avoir des stratégies de choix de jours et d’heures selon les magasins. 

Tous les restaurants, ici comme ailleurs, sont fermés au public, mais un nombre non négligeable sert cependant maintenantà domicile. On note ainsi, ici et là des concentrations de jeunes coursiers à moto ou à vélo qui assurent des livraisons à domicile.

Les rues sont moins animées que d’habitude mais des autobus continuent à les sillonner ; quand ils passent, ils sont rarement pleins. De temps en temps, une ambulance ou une voiture de police passe. Il y a quelques contrôles par des escouades de policiers, dans les lieux fréquentés. 

Des piétons circulent aussi. Ils sont de plusieurs types. Certains, équipés de sacs ou de caddies, vont chercher ou ramènent chez eux les indispensables provisions. D’autres, en tenue de jogging, ont souvent le smartphone réglementaire au bras et s’oxygènent. Certains accompagnent de jeunes enfants en trottinette ou en petit vélo, ou alors promènent des chiens.

On se croise entre piétons assez facilement et, bel exemple de négociation implicite, quand deux personnes arrivent face à face sur le trottoir, l’une traverse, ou marche un moment sur la chaussée, il n’y a de toutes les manières pas grand risque à agir ainsi.

Enfin, on préférerait ne pas avoir besoin d’y aller, mais les hôpitaux sont proches, le SAMU peut vous y amener dans un temps raisonnable si le besoin se manifestait. 

En tout cas, à 20 heures, on entend dans les rues et les cours les applaudissements bien mérités adressés aux soignants ainsi que des concerts de klaxons. Les soignantes et soignants, en effet, sont désormais reconnus pour le rôle essentiel qui est le leur. la question cependant est de savoir quand les pouvoirs publics vont leur témoigner une reconnaissance qui ne soit pas principalement symbolique mais inscrite dans les émoluments et les conditions de travail.

En somme, aux temps étranges du confinement, la vie continue partout où elle peut. Elle est, pour tout le monde,simplement plus limitée dans les possibilités pratiques qu’elle offre et plus contraignante pour les individus qui se languissent désormais des réunions de famille ou d’amis, des apéros non virtuels et de la liberté de mouvement.

Il reste heureusement l’espoir ; comme disent les Grecs, c’est de toutes façons ce qui meurt en dernier. L’espoir en particulier que des leçons de solidarité soient tirées de cette funeste période.